Récifs coralliens : un “point de basculement” climatique franchi selon une étude rassemblant 160 scientifiques
Les coraux tropicaux d’eaux chaudes viennent de franchir un seuil critique sous l'effet du réchauffement climatique, selon une étude internationale publiée ce 13 octobre. Ce dépérissement massif, inédit par son ampleur, menace des centaines de millions de personnes et bouleverse l’équilibre de la biodiversité marine. Où en est-on vraiment et quelles implications pour l’avenir proche ?

Résumé
- Les récifs coralliens tropicaux ont franchi un “point de basculement” climatique selon 160 scientifiques internationaux.
- Depuis 2023, un épisode de blanchissement sans précédent frappe les coraux, provoqué par un réchauffement de 1,4 °C par rapport à l’ère préindustrielle.
- Ce dépérissement menace la subsistance de centaines de millions de personnes et la survie d’environ un million d’espèces marines.
- Sans réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, la majorité des coraux pourraient disparaître dès le franchissement du seuil de 1,5 °C de réchauffement mondial.
Un point de non-retour pour les coraux tropicaux
Une équipe internationale de 160 chercheurs tire la sonnette d’alarme : les récifs coralliens tropicaux, qui forment l’un des écosystèmes les plus riches de la planète, sont entrés dans une phase de déclin accéléré.
Mais qu’entend-on réellement par “point de basculement” ? Il s’agit d’un seuil à partir duquel un changement irréversible s’enclenche dans un système. Ici, la hausse des températures marines a déclenché une crise sans précédent pour les coraux.
Depuis deux ans, on observe un phénomène massif appelé blanchissement : sous l'effet du réchauffement, les coraux expulsent les microalgues (zooxanthelles) qui vivent en symbiose avec eux, perdant ainsi leur couleur et, surtout, leur principale source d’énergie. Privés de cette relation vitale, ils dépérissent et meurent, laissant derrière eux des structures calcaires qui se couvrent progressivement d’algues et d’organismes moins complexes.
Des conséquences déjà visibles et concrètes
Pourquoi ce dépérissement est-il aussi préoccupant ? Parce que les récifs coralliens assurent la subsistance de centaines de milliers de personnes, notamment grâce à la pêche, au tourisme et à la protection des côtes contre l’érosion. Près d’un million d’espèces marines dépendent également de ces habitats pour se nourrir et se reproduire. Un effondrement des coraux, c’est donc tout un réseau écologique et économique qui vacille.
Peut-on encore inverser la tendance ? Les scientifiques préviennent que si le réchauffement atteint 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle — un niveau que la communauté internationale s’est engagée à ne pas dépasser dans le cadre de l’Accord de Paris — la quasi-totalité des coraux tropicaux risquent de disparaître, à moins d’une réduction très rapide des émissions de gaz à effet de serre.
Effets dominos : un danger pour la planète entière
Le sort des récifs coralliens ne concerne pas uniquement les régions tropicales. Leur disparition pourrait déclencher un effet domino sur d’autres grands équilibres environnementaux. Comment ? Par la rupture de chaînes alimentaires marines, l’accélération de l’érosion côtière ou la diminution de la capacité des océans à stocker du carbone.
Les scientifiques mettent en garde contre le risque de dépasser d’autres points de bascule majeurs, tels que la fonte irréversible des calottes glaciaires, l’effondrement de courants océaniques ou la déforestation rapide de l’Amazonie. Ces phénomènes, une fois enclenchés, pourraient provoquer des changements rapides et difficiles à contrôler pour l’ensemble du système climatique.
Une alerte mondiale à la veille de la prochaine conférence sur le climat
Pourquoi cette alerte maintenant ? La publication coïncide avec la réunion préparatoire à Brasilia en vue de la COP30, où les négociateurs du monde entier s’efforcent d’éviter le franchissement irréversible des seuils climatiques. Les chercheurs, emmenés par Tim Lenton de l’université d’Exeter, espèrent que ces nouveaux avertissements seront pris en compte pour faire évoluer les politiques climatiques.
Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, a souligné que la limite de 1,5 °C était proche d’être dépassée, ce qui placerait la planète dans une situation bien plus risquée. Cette perspective pousse à s’interroger : combien de temps nous reste-t-il pour agir efficacement ?